Interactions océan-atmosphère : rôle des tourbillons océaniques sur les flux de chaleur air-mer

Encadrant : Guillaume Lapeyre

L'océan et l'atmosphère sont couplés via des échanges mécaniques et thermodynamiques à l'interface air-mer: la circulation océanique est forcée par les vents et les flux de chaleur, alors que la circulation atmosphérique est forcée par la température de surface de l'océan et les flux d'humidité à l'interface air-mer. Jusqu'à peu de temps encore, le forçage de l'atmosphère sur l'océan était supposé être effectué à des échelles de 300 km ou plus, mais l'arrivée de moyens d'observation haute résolution nous amène à revisiter cette hypothèse.
En effet, des études ont montré que les échanges océan-atmosphère sont modulés par l'activité océanique de mésoéchelle (50 à 300 km), correspondant aux tourbillons, même en présence d'un forçage atmosphérique de grande échelle. Une part importante du transfert de l'énergie du vent vers l'océan se fait à l'échelle des tourbillons (Byrne et al. 2016) tandis que la variabilité spatiale des flux de chaleur a une signature forte à mésoéchelle (Bourras et al. 2004, Villas Boas et al. 2015).
Par ailleurs, la couche limite atmosphérique est affectée par la mésoéchelle océanique, à travers le rôle joué par la température de surface de la mer ou les courants de surface (Chelton et al. 2004, Renault et al. 2016). Lambaerts et al. (2012) et Foussard et al. (2017) ont montré que non seulement la mésoéchelle mais aussi la sous-mésoéchelle (les fronts et filaments entre les tourbillons, d'échelle 1-50 km) ont une signature sur l'atmosphère. Ces dernières études ont aussi mis en avant les différents types de réponse, suivant l'échelle océanique ou l'intensité du vent moyen.
Les structures de méso et sous-mésoéchelle modulent donc aussi bien les échanges d'énergie mécanique et thermique vers l'océan que la variabilité spatiale de la couche limite atmosphérique. Le fait que cette modulation se fasse à l'échelle des tourbillons crée alors une boucle de rétroactions du système couplé, qui va modifier à son tour la mésoéchelle.
Si les mécanismes d'un couplage océan-atmosphère à mésoéchelle commencent à être précisés, ils n'ont été examinés jusqu'à présent que du point de vue de l'effet mécanique de la tension de vent sur l'océan. Or les flux de chaleur air-mer à mésoéchelle peut atteindre des valeurs de l'ordre de 300W/m2. Du fait de la variabilité saisonnière de la méso et sous-mésoéchelle, ceci peut impacter le bilan global de chaleur à l'échelle des bassins océaniques.
L'objet de la thèse est de déterminer dans quelle mesure le couplage entre l'océan et l'atmosphère à méso et sous-mésoéchelle va modifier les flux océan-atmosphère. Dans un premier temps, il est donc nécessaire de déterminer si ce couplage à mésoéchelle a des conséquences sur le budget global de chaleur intégré sur le bassin océanique. Dans un second temps, nous voulons comprendre les implications du couplage sur la dynamique de méso et sous-mésoéchelle océanique.

Modélisation multi-échelle de la dynamique océanique

Encadrant  Bruno Deremble et Guillaume Lapeyre.

L'océan est caractérisé par une variété d'échelles allant de la circulation de grands courants océaniques tels que le Gulf Stream qui s'étend sur plusieurs milliers de km, en passant par des structures tourbillonnaires de rayon typique 200km, vers des structures de fine échelle (~10km) qui ressemblent à de longs filaments. L'observation satellite a mis en évidence que l'énergie cinétique de l'océan se trouvait essentiellement dans les structures tourbillonnaires qui peuvent persister pendant plusieurs mois et qui interagissent fortement entre elles et avec les courants de grande échelle.
Pour caractériser la dynamique océanique depuis l'échelle des filaments jusqu'à l'échelle des grands courants marins, on peut s'appuyer sur des systèmes d'équations simplifiées de la dynamique des fluides. Dans un article pionnier, Pedlosky (1984) a démontré qu'il était possible d'utiliser deux jeux d'équations pour représenter la dynamique océanique: un jeu pour la grande échelle (géostrophie planétaire) et un jeu pour les petites échelles (quasi-géostrophie). Ces deux jeux d'équations ne sont en fait pas intrinsèquement couplés : à l'ordre dominant, les petites échelles n'ont aucun impact sur les grandes échelles. Plus récemment, Grooms et al. (2011) ont montré que les tourbillons rétroagissaient sur la grande échelle si on prend en compte le développement analytique à l'ordre supérieur. Ces résultats ouvrent donc la voie à un nouveau type de modélisation océanique qui pourrait démontrer de manière limpide le rôle des petites et moyennes échelles sur la dynamique grande échelle.
Ce sujet de thèse concerne l'étude de la dynamique océanique dans le cadre de ces équations. En effet, nous disposons actuellement d'un prototype de ce modèle qui fonctionne. Une première partie de la thèse s'attachera à mieux comprendre le lien entre petites et grandes échelles dans une configuration quasi réaliste (stratification réaliste mais géométrie idéalisée) à partir de ce modèle. Les questions qui seront examinées seront : Comment se développe la turbulence océanique dans ce système ? Est-ce que les propriétés d'instabilité de courant océanique sont modifiées (en terme d'échelles de temps et d'espace) ? Comment les tourbillons océaniques modifient la stratification de l'océan ?
Une fois cette première partie réalisée, la thèse pourra s'orienter de plusieurs façons en fonction des goûts de l'étudiant. La poursuite naturelle serait d'étudier les transferts d'énergie entre échelles spatiales afin de comprendre pourquoi la taille typique des tourbillons dans l'océan ne correspond pas au rayon de déformation.